Nous arrivons au terme de la série de billets sur le pain au XVIII° siècle, d’après le livre écrit par Antoine Parmentier. Le début est ICI, je vous encourage à cliquer si vous voulez comprendre le fil et voir les références du livre qu’on peut télécharger sur Gallica, ICI.

Dans le billet précédent, nous en étions à la seconde levée, appelée apprêt. Le pâton est douillettement installé dans sa corbeille. Il a fermenté pendant une heure, on va voir où il en est.

Une des choses les plus délicates en boulangerie est d’apprécier la juste durée de l’apprêt. Si  vous la sous estimez, le pâton ne sera pas assez développé. Si vous la dépassez, il aura trop fermenté et va au mieux ne plus gonfler dans le four, au pire s’écrouler lors de l’incision. Et c’est irrattrapable !

On ne peut pas donner un temps standard, car cela dépend d’une infinité de circonstances, et ce ne sera pas toujours la même d’une fournée à l’autre. Il faut se fier à son « expérience raisonnée », dit Parmentier. Observez votre pâte, notez les temps, voyez si c’est trop ou pas assez pour vous : car ce sera forcément différent de chez moi ou chez la voisine.

Comment sait-on que la pâte a assez levé ? Par le test du doigt.

Que va nous dire notre expérience raisonnée ? Parmentier explique : la pâte doit résister au doigt sans se rompre à la surface. En clair : si l’empreinte du doigt ne reste pas du tout comme si vous appuyiez sur un ballon bien gonflé, l’apprêt est insuffisant. Si le creux reste enfoncé dans la pâte et ne se referme pas, c’est trop tard. Le bon moment est quand le doigt laisse une empreinte, mais qui se referme complètement après 2 secondes;

Je vous conseille de faire ce test 45 min après le début de l’apprêt, puis toutes les 10 minutes. Si vous avez une pierre, allumez le four (à la température maximum, chez moi c’est 280°C) en même temps que le début de l’apprêt. Comme il doit chauffer pendant une heure on arrivera en même temps. En été quand il fait très chaud, le temps peut être raccourci. En hiver rallongé. Vous verrez avec l’expérience.

Lorsque le pâton est à point, on le saupoudre d’un mélange égal de semoule et de farine.

On le renverse sur la planche à enfourner. La semoule fera roulement à bille pour que le pâton glisse bien depuis la planche dans le four. On a pris soin de préparer une lame de rasoir trempant dans un petit récipient d’eau (environ 250 ml).

On incise le pain d’un geste rapide.

A ce stade les incisions font que le pain s’étale un peu, ne vous inquiétez pas c’est normal. Sauf si l’apprêt a duré trop longtemps, puisque là ça ne s’étale pas, mais ça s’écroule lamentablement.

On enfourne sans attendre,

Le plus rapidement possible : faites glisser le pain de la planche sur la pierre d’un coup sec. Refermez la porte. Attrapez votre récipient d’eau et versez-le dans la lèchefrite. Ça va faire un grand jet de vapeur, refermez la porte le plus vite possible.

Attendez 5 minutes puis baissez le thermostat à 220°C.

La cuisson va durer entre 45 minutes et 1 heure. La pain gonfle pendant les 10 premières minutes, puis il va se stabiliser et la croûte va commencer à se colorer. Si vous voulez une croûte bien foncée et bien épaisse comme les bons pains de campagne cuits au four à bois, mettez la chaleur tournante dans la seconde moitié de la cuisson. Surtout pas au début, ça empêcherait le pain de monter convenablement.

Une fois cuit, on le sort du four et on le place sur une grille,

il va ressuyer, c’est à dire perdre son humidité. On n’y touche pas jusqu’à ce qu’il ait complètement refroidi.

Parmentier le précise bien et il a raison : on ne mange pas le pain chaud, même si c’est tentant. Le pain chaud content énormément de gaz carbonique, que vous avaleriez en même temps que la tranche. Ne venez pas vous plaindre ensuite d’avoir mal au ventre !

Deux heures plus tard, il a refroidi, on peut le couper pour juger de l’intérieur. Une merveille. La mie n’est pas humide, est de couleur crème, souple, élastique, elle revient à la pression du doigt, et « spongieuse », c’est à dire bien alvéolée.

La tranche est aérée, c’est le moins qu’on puisse dire. La croûte est épaisse comme il se doit. Vous conserverez ce pain pendant 4 ou 5 jours sans rassir, même si cous l’entamez. Si vous le ne mangez pas avant, évidemment ! Pour le conserver : gardez-le emballé dans un grand torchon, et mettez-le dans un tiroir, un placard, ou une huche à pain. Ne le mettez jamais au frais : ça le fait rassir plus vite.