Le blog des aliments fermentés

La cornue du limousin, une brioche un brin… gauloise

Parmi les spécialités autour de la fête de Pâques, les brioches ont souvent la vedette : on les trouve partout en Europe, de l’Oural jusqu’à l’Atlantique. Celle-ci se fait dans le Limousin pour le jour des Rameaux. On la déguste jusqu’à deux semaines après Pâques. Vous allez voir pourquoi je la traite de gauloise.

La fête des rameaux qui a lieu une semaine avant Pâques

Est la version christianisée d’antiques fêtes païennes agraires de la fertilité-fécondité qui avaient lieu autour de l’équinoxe de printemps. C’est le moment où la nature reprend vie, le soleil réchauffe la terre, les bourgeons apparaissent sur les arbres, les petits oiseaux chantent, la végétation explose et les animaux comme les humains cherchent l’âme sœur.

Partout dans le monde, des aliments fermentés sont consommés ou offerts lors des rites et des cérémonies religieuses autour de ces célébrations. Les religions païennes pré celtiques et celtiques de la région limousine nous ont légué des brioches à 3 pointes appelées « cornues ». À l’origine elles étaient faites en pâte à fouace, et chaque boulanger, ou plutôt fouacier, avait sa recette qu’il tenait secrète. Avant la fouace, ce devaient être simplement des petits pains que l’on échangeait pour l’occasion.

Leur forme est plutôt spéciale : elles ont trois cornes.

Autrefois, l’une des cornes étaient plus allongée que les autres, je ne vais pas vous faire un dessin, ce qui donnait une forme phallique très en accord avec les rites de fertilité-fécondité. C’est l’Évêque de Limoges qui, au XVIII° siècle, a demandé aux boulangers de « moraliser » la forme de leurs cornues, parce qu’elles devaient être bénies à la messe du dimanche, et cela faisait désordre. Oups. On a raccourci ce qui dépassait.

Pas loin dans les Charentes, on trouve aussi les cornuelles, en forme de triangle percé d’un trou au centre, c’est donc la version féminine des cornues, représentant le triangle pubien féminin, je ne vais pas vous faire un dessin non plus.  Ce dessin a déjà été fait par un sculpteur magdalénien et  se trouve dans l’abri « le Roc aux Sorciers » à Angles sur l’Anglin, dans la Vienne. Les cornuelles ont cette forme.

Crédits : Pinçon, G. © G. Pinçon et DRAC Poitou-Charentes, 1994

Comme celles de Limoges, ces pâtisseries étaient accrochées aux rameaux de buis et bénies dans l’église lors de la messe des rameaux. Il a bien fallu que le clergé adapte les rituels anciens et se les approprie, tellement ils étaient ancrés dans la population. Une interdiction était tout simplement vouée à l’échec : quand on sait la persistance des cultures alimentaires à travers les millénaires, on le comprend. En grattant le vernis, on retrouve encore ces symboles « gaulois » dans tous les sens du terme !

Credit photo Wikipedia.

Cornue, vous dites ? Tiens tiens, un dieu celtique de la fertilité ne s’appelait-il pas Cernunnos, ce qui signifie « le cornu », et n’était-il pas représenté portant des bois de cerf sur la tête ? Le cerf étant un animal symbole de fertilité. Coïncidence ?

L’Église catholique a pudiquement recadré le symbolisme : les trois cornes de la cornue et les trois pointes du triangle de la cornuelle symboliseraient en fait la sainte trinité. Ou les cornes du diable qu’on mangerait pour le ridiculiser et l’anéantir, de le même manière que les cornes de Cernunnos, quelle ironie, sont devenues celles des maris trompés. Bon, si ça arrange leurs chastes oreilles. Mais alors que disent-ils pour les pignes, ou pines qu’on fait aussi à la même saison dans les Charentes, et qui ont ni plus ni moins la forme de ce à quoi vous pensez, et que rigoureusement ma mère m’interdit de nommer ici ?

Si vous voulez cuire une fournée de cornues, en pâte à fouace comme autrefois, cela se fait sur 2 jours.

La pâte est enrichie avec de la crème de lait : si vous avez du lait cru, collectez la crème qui remonte à la surface. Elle donnera une petite saveur acidulée et lactique à votre fouace. Sinon, prenez une bonne crème fraîche tout simplement.

Pour faire 16 cornues :

Pour le levain:

Pour la pâte finale:

  • 400 g de farine de blé T 65
  • 80 g de sucre
  • 8 g de sel
  • 3 oeufs + 1 pour la dorure
  • 50 g de crème épaisse
  • Environ 100 g de lait
  • 100 g de beurre à température ambiante
  • 80 g de fruits confits en dés (facultatif)
  • 1 cuil. à soupe d’eau de fleur d’oranger (facultatif aussi)
  • Des grains de sucre.

Le  jour 1 : les levains et la pâte finale

Le matin : premier rafraîchi. Mélangez votre levain chef avec 20 g de lait tiède et 30 g de farine. Laissez fermenter 4 à 5 heures au chaud.

L’après midi  : second rafraîchi. Ajoutez 30 g de lait tiède et 50 g de farine dans le levain. Laissez fermenter encore 4 à 5 heures.

Le soir : préparez la pâte finale.

Cassez les oeufs dans un bol placé sur votre balance de cuisine. Ajoutez la crème fraîche et la fleur d’oranger si vous en mettez. Complétez avec le lait jusqu’à 260 grammes.

Mettez votre levain dans le bol du robot pétrisseur ou dans un grand saladier si vous pétrissez à la main. Ajoutez la farine, le sucre et le sel, puis le mélange aux oeufs. Pétrissez à petite vitesse (1 à 2 au Kenwood)  jusqu’à ce que la pâte se décolle de la cuve. Incorporez le beurre morceau par morceau, tout en pétrissant à vitesse lente. Lorsque tout le beurre est incorporé, continuez de pétrir jusqu’à ce que la pâte se redécolle.

Si vous ajoutez les fruits confits, c’est à ce moment-là qu’il faut les mettre, à la fin du pétrissage.

Faites une boule, couvrez-la d’un film alimentaire et laissez-la reposer toute la nuit à température fraîche (6-8°C).

Le jour 2 : le façonnage et la cuisson

 

Partagez la pâte en 16 portions que vous roulez en boule avant de faire des boudins ayant une extrémité plus fine que l’autre. Avec un coupe pâte, incisez chaque boudin du côté épais jusqu’à la moitié de sa hauteur pour faire les deux cornes, et écartez lesdites cornes.

 

Rangez-les sur 2 plaques tapissées d’un papier sulfurisé, en les espaçant bien car ça va grossir ! Couvrez d’un linge, mettez dans un endroit chaud et laissez reposer 3 à 4 heures, jusqu’à ce que ça double de volume.

Préchauffez le four à 220°C. Badigeonnez les cornues d’œuf battu, et saupoudrez-les de sucre en grain. Enfournez pendant 15 à 20 minutes. Laissez-les refroidir sur une grille.

Par quelle corne allons nous commencer à croquer ?


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12 commentaires sur “La cornue du limousin, une brioche un brin… gauloise”

  • Bonsoir, je ne sais pas à quelle étape je me suis trompée mais ma pâte est très s liquide ! J’ai rajouté un peu de farine mais ça ne suffit pas. J’espère que le repos au frais me permettra de façonner les cornues sans trop de difficulté.

  • Bonjour,
    Je suis vos actualités régulièrement,surtout depuis que je suis en retraite( 6mois)
    et je me suis remise aux yaourts kefir lait et eau levain et ginger bug
    Mais j’ai un très très gros problème : comment éviter que mon lait attache lors de la longue ébullition ?
    AURIEZ VOUS UN SECRET ?
    MERCI
    Sophie-Charlotte

  • Mille mercis pour la recette.
    Celles de mon boulanger, dans la pure tradition ont une « corne » un peu plus longue que le autres ! Il m e semble que les chapelets de meringues à bénir sur le rameau de buis était une tradition du centre ville de Limoges. Dans les campagnes, on faisait juste bénir les cornues. Certains boulangers installaient d’ailleurs leur étal sur la place de l’église avant la messe.

  • Que c’est très agréable pour moi de découvrir de multiples pays dans ce pays si petit qu’est la France. De très belles histoires de pain. Ici au Québec, nous n’avons pas la culture du pain comme les européens. Enfant, parfois le dimanche nous allions vers Ste-Anne de Beaupré (rive nord du fleuve St-Laurent) pour aller acheter du pain de fesses! Hi! Hi! Ce pain blanc a deux foufounes joufflues. Nous trouvions cela drôle lorsque j’étais enfant parce que l’on avait le droit de dire »fesse »! Mais ce pain n’a aucun goût de spécial, seul le souvenir joyeux est important! Avec l’École de Fermentation je découvre que la bioche est un pain, alors qu’ici, c’est un dessert avec de la canelle, sirop, ou crème patissière.
    J’ai pris le temps de voyager en Amérique du Nord et quelques escales en Amérique Nord Centrale. Notre continent est très grand ainsi que le Québec et le Canada. Hi! Hi! Beaucoup de touristes français déchantent lorsqu’ils doivent voyager 3, 4 à 5 heures ou plus pour aller d’une destination à l’autre. Bienvenue chez-nous!

    • Ah merci pour les souvenirs ! Oui vous êtes quasiment un continent, d’un océan à l’autre ! La brioche, à l’origine, est un pain de fête, c’est un pain qu’on a enrichi avec des oeufs, du lait, et parfois du sucre, certaines brioches comme la parisienne n’étant pas ou très peu sucrée. Les brioches à la cannelle viennent plutôt du nord et de l’est de l’Europe, des pays germaniques et anglo-saxons. Et du sud viennent celles aux fruits confits, au miel et aux amandes.
      Ce qui est superbe c’est ce mélange d’influences qui se retrouve en Amérique du Nord, avec en plus les ingrédients typiquement du sol américains comme le sirop d’érable.

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  • Rooooh !!!
    Il y a bien longtemps que je n’en ai pas mangée de ces cornues !
    Mais j’en garde un vrai souvenir !
    Ma grand-mère nous en achetait pour les Rameaux, avec des « chapelets » de meringues et d’autres sucreries, mais je ne me souviens plus des quelles … apparemment aussi typiques à Limoges… elle ramenait le tout avec les rameaux de lauriers bénis…
    Merci pour la recette et les souvenirs !

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