Ceux qui s’intéressent à la fabrication du pain ont entendu parler de taux d’hydratation, abrégé en TH dans les recettes. Qu’est ce que c’est ? À quoi ça sert ? Et comment ça se calcule ?

 

 

Le taux d’hydratation est la proportion d’eau dans la pâte. En boulangerie, on ne la calcule pas par rapport au poids total de la pâte, mais par rapport au poids de la farine. Le TH est donc le rapport eau / farine. On l’indique par un pourcentage. Par exemple une pâte composée de 500 g de farine, et 330 g d’eau a un TH égal à 330 / 500 = 0,66. Soit 66 %.

Attention, de ne pas faire de confusion : dans cette pâte au TH de 66 %, l’eau ne représente que 39 % du poids total de la pâte, qui est de 830 g. Une pâte pesant 100 g, hydratée avec le même poids d’eau que de farine a un TH de 100 %, or, dans ce cas l’eau, 50 grammes, ne représente que 50 % du poids de la pâte. Vous comprenez qu’il est important de faire la différence ?

Comment choisir le TH ?

Le problème c’est qu’il n’existe pas de règle précise. Le taux d’hydratation d’une pâte à pain dépend de la qualité d’absorption de la farine utilisée et du résultat que vous voulez obtenir. Or, quand on utilise une farine pour la première fois, c’est difficile à savoir. Si vous achetez la vôtre chez un meunier, demandez lui des conseils, il connait sa farine. Une farine complète demandera plus d’eau, car le son et d’autres substances qu’elle contient absorbent plus de liquide. C’est donc en faisant la pâte la première fois que l’on se rend compte de la possibilité d’absorption de la farine. On commence par un taux moyen, 60 à 65, et si la pâte est sèche et ferme, on rajoute peu à peu un peu d’eau supplémentaire tout en pétrissant jusqu’à ce qu’elle soit souple et élastique et ait la consistance désirée.

Plus le TH est est élevé, plus la pâte sera (en théorie) légère et aérée


Voici ce qu’on peut obtenir avec une mie hydratée à 66 %

Elle aura de grosses alvéoles, mais attention, c’est de la théorie. Dans la pratique elle est aussi plus difficile à travailler : trop molle, elle va coller et se façonner difficilement. Elle peut s’effondrer lamentablement au dernier moment, et là adieu les belles alvéoles ! Donc si vous êtes débutant, commencez vers 60 % (pour une farine blanche T 65), et n’allez pas au delà de 65 – 66 %. Ensuite, quand vous aurez l’habitude du pétrissage, quand vous saurez bien juger de la qualité de vos farine rien qu’en malaxant la pâte (cela vient avec la pratique), augmentez progressivement jusqu’à ce que vous obteniez l’hydratation qui vous satisfasse.

Ne confondez pas « grosses alvéoles » et « légèreté de la mie »

Un autre détail est important : les grosses alvéoles ne signifie pas que la mie sera légère. C’est même souvent le contraire. Autrefois, les grosses alvéoles étaient considérées comme un défaut du pain. Donc, bien souvent une mie constellée de fines  et moyennes bulles est beaucoup plus aérée en fait qu’une mie à grosses bulles dont les intervalles sont denses.

Il existe en ce moment une mode, pour ne pas dire un snobisme, des grosses alvéoles et  des pains très hydratés, parfois jusqu’à 90 %, (là on n’est pas loin de la pâte à pancakes ! ) C’est un genre de combat de funambules, à celui qui aura réussi le plus fort taux d’hydratation. Cette mode nous vient des USA, où le pain au levain connaît actuellement un regain d’intérêt. Mais il faut savoir que les américains n’ont pas les mêmes farines que les nôtres : elles sont issues de blés avec un taux de protéines très élevé, qui ne réagissent pas du tout comme nos farines françaises. Ces blés-là donnent des pâtes très fermes qu’il faut hydrater davantage pour avoir une mie moelleuse. Alors c’est facile ! Et d’autres minotiers rajoutent du gluten dans la farine. D’autre part, les pains américains sont souvent cuits dans un moule. Dans ce cas-là, évidemment, pas de risque que ça s’étale.

Ne confondez pas le taux théorique et le taux réel

De plus, il faut comprendre que le taux affiché dans le pourcentage qu’on indique n’est jamais réel : tout dépend de l’hydratation de la farine au départ. Si elle a été entreposée dans un lieu très sec (ce qui est souvent le cas des boulangers) elle ne réagira pas pareil que dans un lieu humide. Et une farine complète absorbera plus d’eau qu’une farine blanche. Et encore, deux farines de même taux d’extraction, mais moulue différemment (sur meule ou sur cylindre) ne réagiront pas pareil au même taux d’hydratation.

Et cela dépend aussi de l’hygrométrie de l’air le jour où vous pétrissez !

La farine que vous achetez est donc plus ou moins humide, et en rajoutant la même quantité d’eau vous pouvez très bien atteindre la sur-hydratation, la pâte sera collante et n’aura pas de corps. D’autre part, si elle colle et est trop molle, vous devrez utilser plus de farine pour la travailler après le pétrissage : et donc en rajoutant cette farine, votre TH va automatiquement redescendre, donc aucun bénéfice. Notez bien que ce qui compte c’est la texture et le corps de la pâte. On peut très bien avoir une pâte douce en ajoutant seulement 65 % d’eau, si la farine est hydratée au départ.

Donc, si vous n’êtes pas funambules, mais débutant dans la fabrication de votre pain…

Et si vous n’achetez pas votre farine aux USA, inutile de prendre des risques. Un taux de 60 à 66 % pour une farine blanche moyenne comme la T 65 ou 80, éventuellement jusqu’à 75 % avec des farines complètes, vous donnera une pâte bien élastique et très facile à travailler, qui montera bien sans s’effondrer ni s’étaler à la mise au four, et qui aura une mie correctement alvéolée. Et c’est tout ce qu’on lui demande. N’oubliez surtout pas d’intégrer le levain utilisé dans le calcul du TH. Si le levain est liquide, il faudra réduire le TH de la pâte finale. De plus, l’activité enzymatique des bactéries du levain détruit le gluten de celui-ci : un levain sera toujours plus liquide qu’une pâte ayant le même TH mais n’ayant pas encore fermenté.

Oui, oui, ce n’est pas simple. Donc la pâte que vous croyez mathématiquement à 65 peut se retrouver facilement aussi molle qu’à 70, si vous mettez un levain trop hydraté. Il vaut dont mieux mettre un peu moins d’eau qu’un peu plus, sous peine d’avoir une pâte impossible à manipuler.

Ensuite quand vous maîtriserez la manipulation des pâtes, vous pourrez essayer de les faire progressivement plus molles. Mais si vous attaquez directement avec des hydratations élevées, c’est le plantage assuré à 100 % !

… Et de plus, détail amusant …

La proportion traditionnelle du pain français, celle qui est pratiquée depuis des siècles par les boulangers, correspond grosso-modo au Nombre d’Or, un nombre irrationnel réputé dans l’Antiquité, alors qu’on cherchait la « clef » de l’univers, pour être celui de l’Universelle Harmonie. Ce nombre est égal approximativement  1, 61… avec des kilomètres de chiffres après la virgule qu’on n’a jamais calculé complètement… Le pain typique français hydraté avec 100 parts de farine, 60 parts d’eau et 1 part de sel est dans cette proportion. Proportion utilisée par des artistes et qui a donné des chefs d’œuvres comme la pyramide de Giseh, la cathédrale Notre-Dame de Paris, La Naissance de Vénus de Botticelli, les cantates de Bach, le Parthénon ou les statues de Phidias… et qui est présente aussi dans la nature dans le développement de certains végétaux ou de minéraux en spirales ou en pentagrammes. (Pour en savoir plus, cliquez ).

Vous trouverez  ICI  une calculatrice à levain, à télécharger gratuitement sur votre ordinateur, dans un fichier Excel. Elle vous permettra, en quelques clics, de trouver instantanément les poids de farine, eau, sel et levain, pour toutes les sortes de pain, et ce quelle que soit l’hydratation de votre levain.