Pourquoi s’intéresser aux aliments fermentés, qui ont comme point commun d’être transformés par des micro-organismes ?

choucroute alsacienne

L’origine de ce livre et de ce blog est la constatation qu’ils sont omniprésents dans notre nourriture sans qu’on en ait conscience. Essayons d’imaginer ce que serait notre alimentation de tous les jours, si l’on interdisait brusquement tous les produits alimentaires fermentés.

Adieu le pain, les brioches et toutes les viennoiseries: croissants, pains au chocolat, beignets. Adieu le beurre, la crème (tous les deux subissent un ensemencement et une maturation) et tous les yaourts, les fromages frais et affinés.

Roquefort, cantal, munster et autres tommes, vache, chèvre et brebis, tous disparaîtront dans la tourmente. Pas question d’ajouter du parmesan sur les spaghettis, ni de la mozzarella dans la pizza qui d’ailleurs n’aura plus de pâte. Plus de vinaigrette dans la salade. Terminé le jambon, qu’il soit cru, cuit ou fumé, bellota, pata negra, d’York, de Parme ou de Bayonne, tous seront perdus dans le même puits sans fond. Autant dire tout de suite que le sandwich jambon beurre sera un produit de contrebande. On n’aura même pas droit aux cornichons ! Le saucisson, jésus, rosette et bâton de berger, ne seront plus que des souvenirs et s’échangeront sous le manteau, ainsi que le lard salé ou fumé, le petit salé et ses comparses la ventrèche, la pancetta, la viande des grisons. Les salaisons tomberont dans l’oubli, y compris les magrets de canard salés ou fumés de nos salades périgourdines. Côté poissons, il faudra oublier les harengs saurs, le haddock, les kippers, bouffis et consorts, la morue, les anchois au sel, le pissalat du midi, la poutargue, le saumon fumé ou mariné. Il faudra bien sûr dire adieu au caviar.

Quant aux olives et tous les sortes de pickles, cornichons, câpres, pas de pitié, on les élimine aussi. Plus de choucroute en Alsace, de crêpes et galettes en Bretagne, de bourriols en Auvergne, ni d’escabèche ou de tapenade dans le midi. Évidemment, plus de vin, de cidre ni de bière, et terminé aussi le chocolat, le thé, le café. Il faudra même se passer de vanille dans les desserts… Quel cauchemar.

Réveillons nous vite. Et prenons conscience de l’importance de ces aliments, dont certains sont emblématiques de notre gastronomie. En effet, quel est le met le plus typique pour évoquer la France, celui que porte caricaturalement l’homme avec un béret basque sur la tête : La baguette de pain ? Le camembert ? Le beaujolais ? Le saucisson ? Ce sont quatre aliments fermentés, ceux-là même que souvent les expatriés français réclament aux visiteurs de leur apporter. Il en est de même ailleurs dans le monde : les Japonais emportent en voyage leur flacon de sauce soja, et du miso en sachet souple, les Laotiens émigrés fabriquent des tas de conserves fermentées et les Coréens achètent du gochujang dans les épiceries asiatiques de Paris. Il y aurait donc un universel « goût du fermenté » qui provoquerait un manque lorsqu’on en est privé ?

En creusant la surface, en cherchant l’origine de ces aliments fermentés, on constate avec étonnement qu’elle plonge ses racines ultimes dans l’origine de l’humanité. Chaque peuple, chaque civilisation consomme une ou plusieurs nourritures fermentées, qui sont ses spécialités nationales incontournables : pizza et salami en Italie, saumon fumé et truite fermentée en Scandinavie, Pain noir, saucisses et bière en Allemagne, sauce Worcester, porridge et bière en Grande Bretagne, cornichons malossols et toutes sortes de pickles en Europe centrale et en Russie, bouillon dashi, sauce soja, nuoc mam, sauces fermentées, et kimchi en Asie. Moins connus, mais pas moins importants sont aussi les bières traditionnelles et tubercules fermentés en Amérique du Sud, et en Afrique… On devrait même se poser la question dans l’autre sens : quelles sont les populations qui n’utilisent pas la fermentation dans leur alimentation ? Et la réponse est simple : aucune. La liste de ces aliments est longue, car elle concerte toutes les matières premières  consommées par l’homme, qu’elles soient animales ou végétales. Mon livre propose au lecteur de découvrir leur origine et leur sens, tout autour du monde.