On lit parfois qu’il est possible d’activer la lactofermentation des légumes en ajoutant soit un ferment acheté dans le commerce (oui ça existe), soit un peu de jus d’une précédente lacto-fermentation, soit du petit-lait, ou du kéfir ou du kombucha, du yaourt, ou que sais-je encore… Il existe même des industriels qui fabriquent des ferments et vous font croire que c’est indispensable d’en mettre.

A tel point qu’on se demande comment on a fait, pendant dix mille ans, sans ferments industriels !

Moi je dis : Prudence !

La lactofermentation est un processus naturel et inéluctable. Elle se produit non pas par magie, ou par l’opération du saint esprit, mais grâce aux micro-organismes présents sur les légumes au départ. La fermentation n’a donc besoin de rien pour être activée. Les bactéries lactiques vivent principalement dans la terre et c’est pourquoi les végétaux, qui poussent (jusqu’à présent) dans la terre, en sont «naturellement » porteurs. Même si vous les rincez, il en restera assez pour les faire fermenter.

Pour vous donner un exemple parlant : même les haricots verts qui ont été blanchis pendant 2 min à l’eau bouillante fermentent sans ajout de ferment exogène. Alors vous voyez que les bactéries lactiques sont résistantes et qu’elles n’ont besoin de rien pour entrer en activité !

Des légumes poussés dans la terre !

Vous avez suivi mon regard quand je parlais de la terre, et vous éviterez bien sûr tous les légumes cultivés hors sol. Ces légumes que la grosse artillerie de l’industrie agro-alimentaire veut nous faire prendre pour des choses saines sous prétexte que c’est aseptisé et arrosé de produits phytosanitaires. Alors que plus c’est aseptisé, plus le risque d’attraper une grave maladie est important. Pourquoi ? Parce que si c’est aseptisé, la moindre souche d’une bactérie pathogène, ou d’un virus, n’a plus aucune barrière, plus aucun ennemi défendant le territoire, et a toute latitude pour se développer allègrement.

Donc, si vous avez n’importe quel légume qui a poussé dans de la vraie terre, vous n’aurez jamais de problème pour le lacto-fermenter. C’est, comme je vous le dis, inéluctable. Penser accélérer les choses avec une poudre ou un liquide de perlimpinpin, dans le meilleur des cas ça ne sert absolument à rien. C’est comme si vous vouliez rajouter une pincée de sel dans la mer pour être bien sûr qu’elle sera salée. Dans le pire des cas, ça  fermentera d’une manière inattendue et potentiellement indésirable.

Je vous rappelle rapidement comment se passe une lacto-fermentation.

Dès que les légumes sont mis en anaérobie, c’est à dire dans un milieu sans air, la fermentation commence. Les microbes, au départ, sont multiples et variés, et ils sont en compétition. Il y a des bactéries lactiques et aussi d’autres espèces, qui peuvent être des protéobactéries, pathogènes potentiels. C’est à ce moment que la saumure devient trouble et qu’on voit à l’oeil nu qu’il s’y passe des choses. Des guerres terribles et des batailles sanglantes  se déroulent là-dedans.

Mais grâce au sel présent dans le milieu, ce sont les bactéries lactiques qui  au départ prennent rapidement l’avantage. Elle consomment le sucre présent dans les légumes et le transforment en acide lactique et en gaz carbonique (et bien d’autres substances. Il y a aussi des enzymes, des vitamines, des molécules aromatiques, etc.) Le PH diminue rapidement grâce à tout cet acide lactique secrété ; cela tombe bien car les microbes pathogènes comme la listeria, les salmonelles ou la bactérie botulique, ne peuvent pas survivre à ce niveau de PH inférieur à 3,8. Les bactéries lactiques peuvent se développer sans être gênées. Elles fabriquent de plus en plus d’acide lactique. Au final il se crée un équilibre, l’acidité n’augmente plus et les légumes peuvent se conserver indéfiniment.

Il est aboslument inutile d’acheter des ferments dans le commerce !

Vous dépenseriez votre argent inutilement. Cela n’améliorera aucunement la qualité de la fermentation, et cela peut même la perturber.

Des légumes, du sel, de l’eau et rien d’autre !

Or, si vous ajoutez un quelconque liquide contenant aussi des bactéries, vous allez perturber cet équilibre, ce milieu naturel et cette réaction en chaîne. Vous ne saurez plus qui va prendre l’avantage. Vos bactéries exogènes rajoutées entreront elles aussi en compétition avec les indigènes. Ou bien cet ajout rendra une sorte de bactérie trop nombreuses par rapport à une autre, ce qui peut avoir un effet inattendu. Vous risquez par exemple de rajouter des levures qui feront de l’alcool, ou d’autres cellules qui rendront la saumure gluante ou filante. Ou encore qui apporteront des moisissures, ou consommeront la chair des légumes qui deviendra toute molle. C’est valable aussi pour une précédente saumure de lactofermentation : ce liquide très acide est devenu antiseptique, et cela peut compromettre la fermentation, en tout cas  il y a des riques que cela affaiblisse le milieu.

Le seul et unique cas où l’on va rajouter un ferment, c’est si la préparation est longtemps cuite. Il ne reste alors plus de microbes indigènes et il n’y a pas de compétition. Comme par exemple le ketchup. En général  on ajoute du petit-lait, ou un peu de yaourt, ou un peu de saumure d’une précédente lactofermentation.

Dans les autres cas, ne rajoutez rien d’autre que vos légumes frais, vos aromates, de l’eau non chlorée, du sel. Rien d’autre.