Le blog des aliments fermentés

Le skyr, sa triste histoire au-delà de la mode

Parmi tous les laitages qui sont à notre disposition dans les vastes rayons bien achalandés des supermarchés, dont la l’abondance nous rassure (s’il fallait que nous fussions rassurés) sur la prospérité de notre glorieuse industrie laitière, il en est un petit nouveau. Apparu en 2018, l’avez-vous remarqué ? Il est en ce moment très à la mode : c’est le skyr.

Cliché Alexis Leconte dans la revue Que Choisir ?

Ce laitage vendu au rayon des yaourts est présenté par ses fabricants, quelle que soit la marque, comme lait fermenté onctueux, de texture consistante, n’ayant aucune matière grasse et étant très riche en protéines, avec une saveur acidulée provenant de ferments spécifique au skyr (dixit Danone par exemple), ou encore « épais, onctueux et riche en protéines, le skyr est un produit laitier issu de la tradition islandaise»(dixit Lactalis et sa marque Siggi’s).

Le skyr n’est pas un yaourt, c’est un fromage à coagulation acide, qu’on appelle aussi lactique. Ce n’est pas la même chose et si vous croisez un Islandais, vous le fâcheriez beaucoup en appelant yaourt ce qui pour lui est un produit spécifique de son héritage culturel gastronomique. Cependant, l’héritage culturel a du plomb dans l’aile

Un héritage des vikings

Les marques de skyr nous rappellent aussi sommairement son histoire qui nous ramène au temps des Vikings, ce qui fait toujours bien dans un discours marketing. Précisons un peu tout cela, c’est intéressant, ça va nous emmener vers des considérations sociologiques inattendues, vous allez voir.

Les Vikings venus de Norvège ont apporté avec eux  la fabrication du skyr lorsqu’ils ont colonisé l’Islande à partir de 874 après JC. Ils ont apporté de la nourriture (du bétail, surtout) pour pouvoir survivre sur cette île isolée et inhabitée jusqu’alors, hormis quelques moines ermites irlandais arrivés là trente ou quarante ans plus tôt, dont on ne sait pas de quoi ils vivaient. Il faut dire quand même qu’à cette époque-là, le climat était moins froid qu’aujourd’hui.

Ces Vikings-là étaient originaires de l’ouest de la Norvège, c’étaient des agriculteurs et des pêcheurs. En Islande leur économie reposait sur la pêche, la chasse, un tout petit peu de cueillette, et surtout l’élevage, de vaches, moutons et chevaux principalement. La cueillette consistait en baies, et lichens comestibles qui fournissait une farine. Les céréales hormis l’orge, ne poussant pas en Islande. (Ouf, on était sauvés, on pouvait quand même brasser de la bière). De temps en temps s’échouait une baleine et alors c’était une aubaine. Les Sagas islandaises, des textes datant du Moyen-Âge, relatent des querelles sur la propriété des baleines échouées. On la dépeçait puis viande et graisse étaient enfouies dans des fosses pour fermenter et se conserver longtemps.

L’élevage est vite devenu le principal moyen de subsistance, fournissant viande et produits laitiers. Les vaches restaient l’hiver à l’étable où elles étaient nourries de foin récolté à la belle saison. Les moutons, eux, vivaient dehors toute l’année et se débrouillaient tous seuls (c’est encore le cas aujourd’hui). Ils fournissaient de la laine, de la viande et du lait.  Le skyr était produit la plupart du temps avec du lait de brebis, ou rarement avec du lait de vache. Aujourd’hui il l’est quasi exclusivement au lait de vache, même en Islande.

Cliché Icelandic Times Magazine

À l’époque de la colonisation, l’Islande bénéficiait de conditions climatiques favorables,  mais peu à peu à partir du XII° siècle il se produisit un refroidissement et les hivers devinrent plus rudes, la nécessité de faire des provisions devint encore plus vitale. Avec le lait, on faisait le skyr dont le petit-lait suri servait à conserver la viande.  En effet, on ne pouvait pas saler la viande car on ne disposait que de très peu de sel en Islande, le climat humide et frais rendant difficile l’évaporation de l’eau de mer. Donc on fermentait le lait en skyr, et le petit-lait, qui est un sous-produit de cette fermentation, acide, servait à conserver la viande, les abats et les saucisses, et même le chou. On trouve de vieilles recettes de chou conservé dans ce petit-lait. Le poisson, lui, était fermenté directement sous terre ou conservé par séchage.  Ce produit laitier était indispensable à la survie des populations islandaises, par ailleurs très pauvres, pour son apport en protéines et pour sa faculté à se conserver lui-même et à conserver les autres aliments.

Tout cela pour vous expliquer le contexte. Le skyr est très important encore aujourd’hui dans la culture islandaise. À tel point que, en 2016, au cours de la crise des panama papers, lors d’une manifestation contre le gouvernement, ce ne sont pas des tomates qui furent jetées contre le bâtiment du parlement, mais bien du skyr. Ça montre qu’ils étaient très fâchés.

Photo: Iceland Monitor/Júlíus Sigurjónsson

Une affaire de femmes

Entre-temps, le skyr a disparu de Norvège et est devenu une spécificité islandaise. Il était fabriqué par les femmes, qui, comme partout, s’occupaient de l’élevage et de tout ce qui touche le lait. C’est anthropologique. Les femmes travaillaient le lait, les hommes travaillaient la viande. (Que les féministes qui veulent être bouchères me pardonnent, on ne sait jamais, si l’une d’elle me lit). Au passage, soulignons qu’en Islande les femmes jouissaient depuis toujours de droits qu’elles n’avaient pas du tout dans le reste de l’Europe. Elles étaient vraiment les maîtresses de leur ferme, prenaient les décisions importantes. Elles travaillaient dur et avaient un extraordinaire savoir faire pour la crèmerie et la tenue de l’exploitation.

Donc venons-en à la fabrication du skyr traditionnel.

Pour faire du skyr, autrefois  à la ferme en Islande, on utilisait du lait cru. Le lait était d’abord écrémé, parce qu’avec la crème on fait du beurre, faut pas rigoler avec ça, le beurre c’est important dans la vie, même en Islande. Et d’ailleurs les islandais ne rigolaient pas car le beurre était utilisé comme monnaie d’échange. Et d’après certains textes islandais, il pouvait se conserver plus de 20 ans. On payait son loyer en beurre, et les salaires des ouvriers agricoles étaient aussi payés en beurre. Certains propriétaires terriens possédaient « des montagnes» de beurre quand ils recevaient les loyers. Et le précieux beurre était donné en cadeau de mariage.

Pour la fabrication du skyr, on pouvait chauffer le lait ou pas. Aujourd’hui le lait est systématiquement pasteurisé. Autrefois la préoccupation n’était pas de pasteuriser, mais d’obtenir un skyr plus lisse et moins granuleux. (Le chauffage dénature les protéines et permet une meilleure prise du fromage). Le lait est ensuite refroidi pour atteindre la température de la vache, entre 38 et 39°C. On n’avait pas de thermomètre, mais les femmes savaient, en trempant leur doigt dans le lait tiède, quand c’était le bon moment. On l’ensemençait avec un peu de skyr de la fournée précédente, ce qu’on appelle le backslopping, qui est pratiqué dans le monde entier pour faire du fromage artisanal ou du yaourt artisanal aussi.  C’est ce skyr rajouté qui apportait tous les micro-organismes nécessaires à la fermentation. Très souvent on l’emprésurait aussi pour faciliter la prise, ce qui en fait définitivement un fromage.  On emballait les récipients dans des couvertures pour qu’il ne refroidisse pas trop vite. La fermentation durait environ 4 heures, le skyr s’acidifie pendant ce temps-là et prend donc son goût acidulé.

Ce n’est pas fini. On le laissait encore à température ambiante pendant 12 à 18 heures et c’est alors que se développent les levures qui vont apporter une saveur spécifique. (Le yaourt, lui, n’a pas de levures).

Une fois que le lait a caillé et fermenté pendant pratiquement 24 heures, il est égoutté dans des sacs en tissu, afin d’éliminer le lactosérum. C’est de là que lui vient son nom « Skyr » en islandais vient du verbe « skera » qui signifie séparer, couper. Cela donnait un fromage blanc ferme qu’on pouvait couper au couteau. Ensuite, pour le déguster, on le mélangeait avec du lait pour le rendre onctueux. On comprend pourquoi c’est riche en protéines.

La ferme-crèmerie d’Erpsstaðir en Islande, une des seules (et rares) qui utilise encore  la filtration sur des toiles (voir la vidéo plus bas).

Les ferments du skyr

Ces ferments ont été étudiés dans les années 1930, avant que la production s’industrialise, et il s’avère qu’ils étaient différents de région en région. et de ferme en ferme. Il en existait même une étonnante variété.  Ils comportaient notamment d’autres bactéries thermophiles que celles du yaourt, par exemple lactobacillus helveticus, et aussi des levures capables de fermenter le lactose. On peut dire qu’il n’existait pas deux skyrs pareils. Un mystère reste sur l’origine de ces ferments thermophiles. Une hypothèse serait qu’ils viennent des veaux par l’intermédiaire de la présure ajoutée, cette présure étant fabriquée par les fermiers eux-mêmes à partir de la caillette des veaux fermentée. Les ferments peuvent venir aussi de l’environnement, mais c’est surprenant que l’environnement d’un pays froid ait donné un ferment aimant la chaleur. Mais ceci dit, en termes de micro-organises, on n’a pas fini d’en apprendre.

Le skyr était une préparation estivale, qui se faisait après le sevrage des veaux et des agneaux, qui avait lieu généralement en juin. Il fallait donc conserver un peu de skyr de la saison précédente, ou aller en emprunter à ses voisines. C’est ainsi que l’écosystème microbien du skyr s’est développé au fil des siècles, en totale symbiose avec les humains. Ou plutôt les humaines.

Il existait aussi une grande variété dans les recettes et les méthodes pour le faire, dans le lait utilisé, vache ou brebis, chauffage ou pas, présure ou pas, ainsi que dans le matériel. Il n’est donc pas étonnant que les microbes soient aussi différents. Tous ces  produits étaient considérés comme du skyr mais ils étaient tous différents. C’est comme aujourd’hui, la différence entre deux camemberts artisanaux, ils sont différents mais c’est toujours du camembert.

Les débuts de l’industrialisation

Au XX° siècle, lorsque la fabrication du skyr est passée des ménages aux laiteries, la production a subi d’importants changements. Tout a commencé au tournant de ce siècle par la création de crèmeries, qui collectaient la crème pour faire le beurre. Le beurre est alors entré dans l’économie de marché, alors que le fromage était encore un produit domestique. Ces crèmeries étaient dirigées par des femmes, et des femmes y travaillaient, mieux rémunérées que par le travail à la ferme. Cela ne dura pas.

Les crèmeries furent bientôt remplacées par les laiteries industrielles. La première coopérative de production de skyr a été créée en 1930. S’en est suivie une volonté à la fois politique et économique de standardiser les recettes, et aussi l’inévitable souci d’hygiène du XX° siècle qui oblige à pasteuriser là où il n’y en a pas besoin. Ça a été débattu de manière houleuse au parlement islandais, avant d’être voté en 1934.

Pour contrôler cette industrie naissante il fallait des ingénieurs en production laitière. Il n’en existait pas en Islande, évidemment car toute la production était faite par de «simples» fermières. On importa donc des ingénieurs du Danemark (l’Islande était autrefois colonie danoise), auxquels les fermières enseignèrent comment on faisait le skyr. Ils furent ensuite remplacés par des ingénieurs islandais, tous formés à Copenhague et tous des hommes.  S’en suivit une régression sociale des femmes qui furent reléguées aux postes les plus bas de la hiérarchie dans ces laiteries mécanisées.

Au début, des méthodes similaires à celles utilisées de manière domestique étaient utilisées, mais cela changea vite. On se servit exclusivement du lait de vaches, animaux plus dociles que les brebis, et donnant beaucoup plus de lait. On abandonna aussi définitivement l’usage de la présure.

Bientôt des machines ont été mises en service pour accélérer la filtration, qui est la partie la plus longue de la production. Les «tambours à skyr» ont été employés dans les années 1940. Le skyr était placé dans des tambours rotatifs qui séparaient le caillé du lactosérum beaucoup plus rapidement qu’avec un sac en tissu. Plus tard, des centrifugeuses encore plus performantes ont été utilisées (1968), et la pasteurisation a été généralisée à la même époque.

 

Voici une vidéo sur la dernière ferme en Islande qui fabrique encore le skyr artisanalement. Vous pouvez activer les sous-titres en français dans les paramètres de la video.

Aujourd’hui, on utilise généralement des filtres à pression pour séparer le lactosérum, c’est ce qu’on appelle aussi l’ultrafiltration. On emploie aussi l’ultracentrifugation. Cela se passe dans une centrifugeuse qui tourne très vite (20 000 tours à la minute) et qui permet de séparer de très fines particules d’un liquide. Et ça fait gagner énormément de temps ! Alors qu’il faut une journée pour filtrer le skyr traditionnel, ça va se faire en quelques minutes dans l’ultracentrifugeuse, sans compter qu’on n’aura pas à assurer le nettoyage fastidieux des tissus et des cadres de filtration de l’ancienne méthode. Ces innovations laissent plus de protéines de lactosérum dans le caillé que les méthodes plus anciennes.

Ces changements eurent pour conséquence de transformer la flore microbienne du skyr. Une étude récente a comparé la flore du skyr industriels et du skyr encore fabriqués à la ferme. Le résultat est sans appel. Ceux fabriqués à la ferme contiennent une bien plus grande variété de microbes : non seulement des bactéries diverses, mais aussi des levures comme Kluyveromyces marxianus and Saccharomyces cerevisiae. Les prélèvements analysés des fromages industriels, eux, montraient très peu de diversité microbienne. Même les souches de Lactobacillus bulgaricus étaient toutes identiques, ce qui n’est pas surprenant puisqu’elles sont clonées.

Entre temps, la production à la ferme de skyr comme de beurre déclina drastiquement. Il s’ensuivit une inévitable baisse de la biodiversité, des goûts et des textures.

Autrefois, le skyr était vendu non dilué, en vrac et au poids. Il était tiré du tonneau et coupé à la demande puis enveloppé dans du papier. Il n’était pas pasteurisé et sa flore s’enrichissait davantage grâce au microbiote du tonneau et de l’environnement du lieu de vente, ce qu’on a perdu avec les pots fermés en plastique. Pour le consommer, on le fouettait avec du lait, de la crème ou du petit-lait, pour lui donner une consistance crémeuse. C’était donc très riche en nutriments intéressants, dont les protéines effectivement. Et très riche en variétés d’espèces de probiotiques. Depuis 1968, le skyr est vendu prêt à consommer, donc déjà dilué, en pots individuels en plastique.  Plus épais, il ne passerait plus dans les pompes des machines. Le dernier skyr à être vendu dans du papier l’a été en 1980. (J’ai visité l’Islande en 1982 et je l’ai raté de peu ! )

Avec la production industrielle et les pots en plastique, on a dit adieu à des millénaires d’interactions entre le monde microbien du skyr et les humains, qui remontent à la période antérieure à la colonisation de l’Islande, voire à la fin de l’âge du bronze. La relation symbiotique entre les espèces, qui durait depuis plus d’un millénaire et était fondée sur la réciprocité, a été remplacée par une relation parasitaire dans laquelle un organisme utilise l’autre à son propre avantage et au au détriment de l’autre. L’innovation du « nouveau skyr » et l’abandon progressif du « vieux skyr » fabriqué de manière traditionnelle ont été une catastrophe pour le microbiote du skyr, avec des conséquences désastreuses pour la biodiversité.

Le plastique est aujourd’hui la norme partout. Les Islandais renversent le pot dans l’assiette et le nappent de lait ou de crème, avec éventuellement du sucre ou des fruits. Mais ils ne mélangent pas, il est important de conserver les deux textures à la dégustation.

Une journaliste allemande dégustant du skyr en 1934. Cliché Willem van de Poll . Remarquez le petit pichet de lait qui a servi à diluer le skyr.

Le coup de grâce

Le dernier grand changement, et ce n’est pas le moindre, le point final de cette désastreuse histoire est que, après avoir standardisé et appauvri le goût, après avoir enfermé le skyr dans des pots en plastique, les industriels ont éliminé complètement la transmission millénaire du ferment. On a définitivement perdu le ferment du skyr ! La méthode traditionnelle du backslopping, qui consiste à utiliser une dose de vieux skyr pour produire du nouveau skyr, a été abandonnée au profit de cultures bactériennes lyophilisées prêtes à l’emploi, clonées, achetées et produites dans un laboratoire industriel, celui même qui fournit toutes les industries laitières de l’Europe. Les bactéries lactiques du skyr actuel sont exactement les mêmes que celles du yaourt industriel, Streptococcus thermophilus et Lactobacillus bulgaricus. L’immense diversité des saveurs, des odeurs, des textures du skyr traditionnel a complètement disparu pour donner un produit standardisé, toujours identique d’un bout à l’autre de l’année et d’un bout à l’autre du monde.  Quelle tristesse.

Dans le cas du skyr, ces cultures sont incorporées au lait écrémé après sa pasteurisation, puis le lait subit une seconde pasteurisation après que les cultures ont contribué à sa fabrication. Donc les cultures sont mortes. Cette seconde pasteurisation double la durée de conservation du produit final : le programme pasteurien de suppression des microbes est ici davantage axé sur la vente au détail que sur l’hygiène.

Ironie et mensonge

Toutes les publicités pour ces produits vantent l’origine islandaise des cultures, leur spécificité, leur héritage traditionnel, alors que cela n’a absolument rien de traditionnel ! Danone affirme sur son site utiliser des « Ferment spécifique au skyr ». Certes, sur l’étiquette du ferment il est écrit «ferment pour skyr» mais il s’agit de ferments à yaourt produits au Danemark. C’est fourbe et trompeur. Quant à Isey, ils prétendent détenir «la recette islandaise de skyr d’origine » (ce qui est faux, l’ancienne recette était faite au lait de brebis, avec backslopping et filtration dans des toiles), et « l’utilisation exclusive des cultures de Skyr originales islandaises ». Ce qui est faux aussi, puisque qu’ils ont abandonné le backslopping, seule manière de poursuivre sans les dénaturer les cultures originales.

Cela permet aux marques de vendre ce « super-aliment»  trois à six fois fois plus cher (7 à 9 euros le kilo) qu’un fromage blanc allégé ou qu’un yaourt grec* dont il est très proche. Il n’en diffère que par son égouttage un peu plus poussé et au fait que le yaourt grec contient des matières grasses. Son taux de protéines n’est pas énormément plus élevé (en moyenne 7 g pour le yaourt grec et 10 g pour le skyr), et ne justifie le prix en aucun cas. Pour info, les petits suisses contiennent autant de protéines que le skyr : 9 g.  Pour comparer, le yaourt standard en contient entre 4 et 5,3 %.

Sommes nous vraiment étonnés ? On sait bien que partout où l’industrie agro-alimentaire passe, la diversité trépasse…

* Attention ne vous faites pas duper par la différence entre «yaourt grec» et «yaourt à la grecque». Le yaourt grec  (obligatoirement fabriqué en Grèce) a plus de protéines que le yaourt ordinaire.  Le yaourt à la grecque est une imitation dont le taux de protéines est à peu près identique au yaourt ordinaire. Encore une source de confusion pour le consommateur ! 

PS : vous voulez une recette de faux skyr ?

Je ne peux pas vous donner la recette du «vrai» skyr.  Tout ce que vous ferez sera un succédané. Je ne vous promet pas que vous obtiendrez quelque chose de différent d’un yaourt à la grecque ou d’un labneh. Mais si vous voulez essayer …

Je viens de voir qu’on trouve dans le commerce des ferments à skyr. Ce sont des ferments à yaourt, ne prenons pas des vessies pour des lanternes.

Allez en Islande vous procurer du skyr fait à la ferme. À défaut, prenez ce ferment à skyr ou même un ferment à yaourt classique, c’est la même chose en moins cher. Écrémez votre lait, (n’achetez surtout pas de lait écrémé UHT, horreur malheur et désolation !) Chauffez-le comme pour faire du yaourt (voir ici) puis laissez tiédir à 40°C et ensemencez-le avec le skyr. Enveloppez dans des couvertures bien chaudes, attendez 4 heures.  Laissez ensuite reposer 18 heures à température ambiante. Enfin, égouttez-le dans une mousseline au moins 24 heures jusqu’à ce qu’il soit bien ferme (pour 1 litre vous devez récupérer 750 à 800 ml de petit-lait).

Pour le manger, mélangez-le avec de la crème liquide ou du lait, ou du petit-lait et ajoutez du sucre, des fruits, de la confiture, ou rien du tout…


Sources :

Traditional and modern Nordic fermented milk products: A review, Judith A. Narvhus, Roger K. Abrahamsen, International Dairy Journal, Volume 142, 2023, 105641, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0958694623000602

Mother Cultures Skyr Microbes, Dairy Maids and Super Women, Valdimar Tr. Hafstein, Jón Þór Pétursson and Viggó Þór Marteinsson, Ethnologia Europaea: Journal of European Ethnology Published on behalf of the International Society for Ethnology and Folklore (SIEF) Volume 54, Number 1, Summer 2024: 1–21

Le skyr, une arnaque à l’islandaise ? Elsa Abdoun , Grégory Caret, Que Choisir ? 2 novembre 2023.

 


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Un grand merci !



7 commentaires sur “Le skyr, sa triste histoire au-delà de la mode”

  • Merci de ce bel article sur le skyr, qui m’a appris beaucoup de choses. Depuis deux ans je ne fais plus de yaourts mais du skyr de vache et de chevre (j’habite à la campagne et je peux me procurer du lait cru frais) . Meme si je suis sure que le vrai skyr est bien meilleur, cela fait un produit délicieux, bien meilleur que ce qui est vendu (bien sur pour commencer il faut partir d’un skyr du commerce, mais j’en ai trouvé un plutot bon) ) bien moins cher, et facile à faire, et pour moi meilleur que le yaourt. . Les deux ont des textures et bien sur des gouts très différents. J’en fais 5l de lait à chaque fois, dans un jatte sous une couverture, après avoir chauffé à 60° au moins (fait bien des essais!) et j egoutte celui de vache dans un linge et avec le petit lait je fais un pain delicieux. je trouve que ça vaut vraiment la peine …. Merci beaucoup en tout cas de vos infos .

  • Merci Marie-Claire 🙏 , c’est toujours passionnant de vous lire.
    Je me suis mis à la fermentation il y quelques années maintenant grâce à vous (kefir de fruits et légumes).
    J’en apprécie les goûts et les bienfaits santé au quotidien !

  • Merci pour ce partage, même si c’est désolant !
    C’est toujours des plus intéressant de lire le résultat de vos recherches. Votre prose est magnifique !

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