Comme tout le monde ne le sait pas, 99% du vin vendu en France est un produit semi-industriel. Des techniques (thermisation des jus, filtrage, chaptalisation) associées à des chimies basées sur des levures sélectionnés et autres intrants permettent de contrôler artificiellement son processus de fermentation. Jusqu’à 80 additifs peuvent être ajoutés au jus dans les vins courants. Il peut y en avoir encore une trentaine dans les vins estampillés bio !

Et que dire des pesticides ? Pour 2% des surfaces cultivables en vigne, on utilise 50% des pesticides utilisés en France ! Rien que ça. Imaginer que ces pesticides ne se retrouveront pas dans le vin serait fort naïf. Certains vins peuvent même contenir des taux de pesticides plus de 5 000 fois supérieurs à ce qui est admis pour l’eau du robinet !

Pourquoi le vin est-il le seul produit alimentaire à ne pas afficher une liste des ingrédients utilisés pour sa confection ? En fait seule la mention liée à la présence de sulfites est obligatoire. Bref le consommateur est trompé une fois de plus.

Or qu’est-ce que le vin ? La réponse est simple, c’est du jus de raisin fermenté.

Donc le jus du raisin, plus du temps qui passe. On attend, et par fermentation, le jus devient du vin (avec le savoir-faire du vigneron bien entendu). Simple.

Mais cette simplicité est devenue rarissime. Pourquoi ? Parce qu’elle est difficile, voire impossible à maîtriser. Drame des industriels : son goût est impossible à standardiser. Par processus naturel, le goût du même vin est différent chaque année, en fonction de la météo et d’autres paramètres. Insupportable. D’où ces milliers de produits « améliorants », autrement nommés « intrants », qui apportent le bon goût de pêche ou de sous-bois d’année en année. Pratiquement plus de surprise. C’est rassurant.

Évidemment, les enjeux commerciaux colossaux interdisent tout « ratage ». Il faut assurer chaque vendange et en tirer le maximum… d’argent.

N’y a-t-il donc plus aucun espoir de voir couler dans nos verres la « végétale ambroisie » chère à Baudelaire ?

La réponse est si ! Il y a un espoir : le mouvement dit du « vin naturel » animé par une poignée d’irréductibles Gaulois partout en France. On estime qu’ils sont environ 500 en France à encore faire du vin comme par le passé, en laissant faire la nature, en laissant faire les levures indigènes, par fermentation spontanée.

Malheureusement il n’existe aujourd’hui aucun label qui permette de distinguer un vin honteusement trafiqué d’un vin naturel. On l’a vu, même les vins bio, peuvent n’être au fond qu’une illusion du réel, avec leurs 30 additifs autorisés.

C’est donc avec grand plaisir  que l’on voit arriver dans les rayons de nos libraires un ouvrage qui nous livre à la fois les identités, adresses et informations sur 250 vignerons, mais qui dresse aussi le portrait de ces courageux dresseurs de levures indigènes.

On apprend avec bonheur que ces productions naturelles sont disponibles dans tous les vignobles de France, que ce soit dans les Corbières, en Loire, en Côtes du Rhône, en Alsace, dans le Jura, en Corse, en Provence, mais aussi en Bordelais et en Bourgogne.

Au travers de ce tour de France par région vinicole, on découvre même, quelle chance, qu’il est possible de trouver des Champagnes naturels ! (Dans certains cas c’est presque un oxymore, « champagne naturel » !)

Avant on tombait dessus par hasard ou grâce au tuyau d’un amateur ami. Désormais, on a sous la main une sélection de 250 vignerons. Plus d’excuse !

L’amateur de vins naturels regrettera ici ou là quelques absences certainement involontaires, car le vigneron naturel ne fait pas forcément savoir son art. Il a déjà beaucoup à faire. C’est inévitable aussi, du fait d’une sélection de seulement la moitié des vignerons au naturel actuellement répertoriés. Mais c’est déjà quelque chose !

Aussi, l’ouvrage est parsemé de respirations documentaires qui coupent un peu le listing des vignerons. Parfois cocasse, parfois à dimension informatives, ces articles sont bienvenus. Toutefois, on peut regretter que le message soit un peu trop subliminal, car ni le titre ni la quatrième de couverture n’explique clairement qu’on traite ici du vin naturel par opposition au vin artificiellement « amélioré ». En résumé, un livre indispensable pour ceux qui veulent perpétuer la digne sentence de Louis Pasteur : « le vin est la plus hygiénique des boissons ».

Chaudement recommandé, naturellement !

Soif d’aujourd’hui – La compil des vins au naturel – 250 vignerons – 300 vins – 100% raisin

Sylvie Augerau et Antoine Gerbelle – Tana Editions – 2016 – 168 p. – 19,95€