Ça y est, vous dites-vous, elle est tombée sur la tête, voilà qu’elle va nous parler de boeuf en boîte de conserve, du Corned beef ! 

Le corned beef, c’est littéralement du « boeuf salé ». Corned  signifie assaisonné de grains de sel (corn = grains) . Tout le monde connaît ça sous la forme d’une boîte de conserve trapézoïdale, contenant un amalgame de chair hachée sans goût bien défini, bref une chose indéterminée et symbole de la malbouffe venue d’ailleurs. La page Wikipédia vous apprendra que c’est avant tout une nourriture de soldats, que les poilus de la guerre de 14-18 qui la recevaient dans leur ration disaient que c’était du singe tellement c’était étrange et impossible à reconnaître.

Du singe dans le corned beef, je ne sais pas si c’est mieux ou non que du cheval dans les lasagnes, mais de toute façon le corned beef a mauvaise réputation, et les scandales alimentaires le concernant ne datent pas d’hier. Vous lirez dans la page Wikipédia comment le premier Pure food and drug act a été promulgué aux États-Unis en 1904 suite au livre publié par un journaliste qui a enquêté en se faisant embaucher dans une usine de viande de Chicago. Je ne vous le raconte pas en détail ici, parce que ça vous couperait l’appétit, le cheval à côté c’est de la roupie de sansonnet.

L’origine du corned beef, du vrai, remonte aux îles britanniques au temps lointain de la marine à voile. Comme partout en Europe, quand venait l’automne, on salait la viande pour l’hiver. Le plus souvent c’était du porc : lard, jambon, petit salé… mais ça pouvait être aussi du boeuf, du mouton, de la chèvre, cela dépendait des endroits En Europe centrale, le boeuf salé était appelé Pickelfleisch, soit « viande fermentée »; Pickel, c’est le même mot que les pickles de légumes que l’on connait. La viande salée était la principale source de protéine sous l’ancien régime, avec les harengs saurs. On n’avait pas de congélateurs à l’époque, et le salage (la fermentation, donc) était la seule et parfaitement idéale manière de conserver toutes les nourritures. C’était aussi des tonneaux de viande salée qu’on emportait sur les bateaux pour les voyages au long cours. En Irlande la région de Cork était la principale productrice de viande de boeuf salé, et c’est par ce port qu’elle était exportée dans le monde entier. Les soldats de l’armée anglaise des guerres napoléoniennes étaient nourris de corned beef provenant de Cork. C’est de là aussi que les émigrants irlandais  partirent en Amérique au XIX° siècle, emmenant avec eux les précieux tonneaux de viande. C’est ainsi que le corned beef est devenu le plat national des irlandais d’Amérique, bien plus que des irlandais d’Irlande.

Le corned beef, je l’ai essayé…  et c’est bon, c’est même très bon !

Regardez-moi ça :  c’est tendre et juteux, on dirait du boeuf de Kobé !

Pourquoi ferait-on du corned beef aujourd’hui alors qu’on trouve toute l’année de la viande fraîche ? Parce que ça n’a pas le même goût. C’est exactement comme la différence entre le jambon et la viande de porc fraîche : alors que le porc frais est fade, le jambon est bien plus savoureux.

L’aventure vous tente ? Ce n’est pas difficile. Rendez-vous ICI pour la salaison et pour la recette de cuisine que tout irlandais exilé prépare le jour de la Saint Patrick, c’est ICI.