Cet automne, nous nommes gâtés  côté lecture, avec des parutions de  livres intéressant sur la fermentation : je vous ai déjà parlé de celui de Valérie Zanon sur les pains au levain, et voici un autre livre à lire ou à offrir à des  passionnés de fermentation.

Fermentation rébellion, de Thien Uyen Do

Il s’agit d’un manifeste, d’une plaidoirie pour se reconnecter avec le vivant, dans notre assiette et pas seulement, parce que la fermentation englobe toute une manière de penser, tout un mode de vie. Thien Uyen, qui s’y connaît en fermentation puisqu’elle est vigneronne et la pratique donc, nous rappelle d’abord que cette technique de préservation est partout dans notre alimentation, et partout dans le monde, rien que le pain, le fromage et le vin, on a résumé la gastronomie française.

Elle résume ensuite tous les bienfaits pour la santé de ces merveilleux aliments, qui ne sont maintenant plus théoriques, mais bel et bien prouvés par la science. Des études à ce sujet paraissent tous les mois dans les revues scientifiques du monde entier. Et de plus, bien plus largement que notre vie d’humains, toute la vie sur Terre est tributaire de la fermentation.

Or, dans nos existences actuelles, nous n’avons pas conscience de la portée du travail de ces merveilleux micro-organismes qui nous permettent de vivre. Dans le meilleur des cas, nous sommes indifférents, dans le pire nous cherchons à les éradiquer par tous les moyens, ce qui aboutit à une perte de biodiversité, non seulement dans la nature mais à l’intérieur de nous-mêmes puisque les humains occidentaux actuels ont un microbiote bien appauvri par rapport à ceux du passé et à ceux de pays non urbanisés et non industrialisés. Et c’est grave !

Des écosystèmes complexes

Thien Uyen nous fait comprendre tout ce qu’englobe la fermentation. Elle nous permet de revenir à des pratiques plus en accord avec les écosystèmes complexes et indispensables  du micro-vivant. Elle nous apprend à respecter ce micro-vivant, mais aussi à nous remettre à notre juste place au sein de la Nature : une place non pas prépondérante, mais faisant partie d’un univers immense, une modeste partie de cet univers. La fermentation nous apprend la patience, car, comme je le dis, le temps est un ingrédient dans la fermentation. Elle nous enseigne aussi la modestie : elle nous apprend à relativiser l’échec, à accepter que les choses prennent leur propre cours et que ça ne donne pas toujours le résultat attendu : bref, c’est comme dans la vraie vie.

Et surtout son message est politique

Il est évident que le fait de manger, de choisir ce qu’on mange, est politique. La fermentation nous entraîne loin des produits de l’industrie agro-alimentaire, c’est l’anti-standardisation de l’alimentation. L’anti fast food par excellence. Les industriels font de la fermentation, bien sûr, mais la leur est contrôlée, soumise, leurs ferments sont issus de laboratoires et ils obéissent à leurs règles. Soyons rebelles et libérons les ferments !  La fermentation prône l’égalité, l’entraide, et même le féminisme. Dans le passé, c’étaient partout les femmes qui brassaient la bière et faisaient le pain.

La fermentation fait aussi naître une économie parallèle qui n’est pas l’économie capitaliste. Par exemple les dons de grains de kéfir et de mères de kombucha, le prêt des levains, mais aussi le «faire soi-même», la préservation des denrées, l’anti-gaspillage, pas besoin de dates de péremption, etc. Thien Uyen, comme moi, déplore qu’aujourd’hui on puisse acheter les grains de kéfir alors que durant des millénaires ils se sont donnés de la main à la main, en même temps qu’une transmission de savoirs et d’expériences à travers les âges et les frontières.

Cette transmission, n’est-ce pas là la vraie richesse ?

Publié aux éditions Les Équateurs, 224 pages. Disponible en librairies depuis le 23 octobre.

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